Qui veut vraiment sauver les services publics ?
--> Tony Blair
Eric Le Boucher explique dans sa Chronique de l'économie dans le Monde du 10 avril 2005 pourquoi les services publics sont au centre de la campagne pour les élections législatives du 5 mai 2005 :
«Les services publics britanniques sont en très mauvais état lorsque Tony Blair arrive au 10 Downing Street en 1997. De longues années de sous-investissements et dix-huit ans de gouvernement conservateur ont rendu les chemins de fer dangereux, la formation inefficace ou hors de prix, embouteillé les hôpitaux. Le jeune premier ministre sait que le retour du Labour au pouvoir ne peut être durable que s'il évite le travers habituel du "tax and spend", hausse des impôts et des dépenses. Il lui faut innover.
Il faut d'abord assurer la croissance, c'est elle qui apportera les rentrées financières nécessaires. Grâce à l'habile politique économique mise en place par le chancelier de l'Echiquier Gordon Brown, la Grande-Bretagne entame la période de prospérité la plus durable depuis trois siècles. Sur ce socle, peu à peu, des marges se dégagent. Mais M. Brown fixe une "règle d'or" budgétaire : sur un cycle économique, l'Etat ne peut emprunter que pour investir et pas pour financer les dépenses courantes.
En 1998, le gouvernement planifie une stratégie de moyen terme (tiens, tiens ! un plan...) et met en route parallèlement toute une mécanique d'ajustements et de contrôles. Comme toujours chez nos voisins lorsqu'ils sont confrontés à une adversité, le pragmatisme épouse l'intelligence. Tony Blair installe une série d'agences nouvelles où les meilleurs esprits (publics et privés) sont chargés de trouver des solutions aux problèmes et d'évaluer ce qui se décide.
Les budgets partent à la hausse : + 7,25 % par an pour la santé, + 5,75 % pour l'éducation, les deux priorités des priorités. En deux mandats, le résultat est spectaculaire. Tony Blair aura fait pour les services publics plus qu'aucun autre gouvernement des pays développés.
Mais le premier ministre conditionne la dépense à la réforme. "Il faut reconfigurer l'Etat social de 1945 pour mettre fin définitivement à l'ère de "la même taille pour tous" et mettre en place des services modernes qui conservent les valeurs d'égalité d'accès et d'opportunité pour tous, mais qui fondent le service sur l'utilisateur, lui offre une personnalisation et un choix. Il s'agit d'une dynamique entièrement différente" (discours du 23 juin 2004).
Tony Blair demande à son administration d'ouvrir une vaste enquête sur ce que désirent concrètement les Britanniques : réduire les files d'attente des hôpitaux, les morts dans les accidents de trains, l'insécurité à l'école, etc. Il en découle 122 objectifs précis, dont 22 suivis personnellement par M. Blair. "Nous n'avons pas comme en France de longs débats sur la réforme de l'Etat", explique Wendy Thomson, qui dirige l'Office de la réforme des services publics (OPSR) rattaché au cabinet du premier ministre. "Ici, c'est plus simple : les services publics doivent rendre service au public. Les Britanniques ne jugent que par la qualité du service rendu."
L'avantage est triple : pour les usagers, pour l'opinion en général, qui saisit l'intérêt des réformes, et pour les syndicats, à qui on présente une base de discussion positive : il ne s'agit pas de couper dans les effectifs ou d'améliorer seulement la productivité des fonctionnaires, mais d'en donner aux Britanniques pour leur argent.»
Source : Le Monde, 10-11 avril 2005