Les ressorts du non
--> Le Monde publie ses analyses
Mercredi 1° juin : Le chômage
La carte de France fait apparaître une corrélation entre le vote en faveur du non et le taux de chômage. Les salariés les plus vulnérables ont voté à près de 70% pour le non : 71% de ceux qui travaillent en intérim, 69% en CDD et 58% en salariés bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée. Pour le sociologue Serge Paugam (Les formes élémentaires de la puvreté, Puf, 2005), l'insécuté sociale a créé des fractures au sein de la société française et des divisions au sein même du salariat : «Ceux qui mettent en avant la notion de sécurité sont les moins qualifiés, ceux qui sont les plus menacés de perdre leur poste.» Autrefois, les salariés les plus défavorisés avaient des «possibilités de compensation, avec une relative sécurité de l'emploi et des possibilités d'augmentation des salaires.» Aujourd'hui, la pression s'accentue, et «l'ambiance se dégrade à cause de l'intensification du travail et d'une plus grande évaluation des compétences.»
Jeudi 2 juin : Les classes moyennes
Il y a treize ans, le référendum sur le traité de Maastricht avait révélé une nette coupure entre les plus diplômés et les plus démunis. Depuis, le niveau socio-éducatif général s'est élevé. Mais les classes moyennes employées dans le secteur public ont rejoint celles du privé dans le rejet du traité. «Entre 1993 et 2004, la proportion d'adultes ayant au moins le baccalauréat a augmenté de plus de 35%, tandis que la part des sans-diplôme a perdu près de 20%. Issues de la dernière grande phase de démocratisation du système éducatif (19851995), les nouvelles générations d'électeurs sont bien mieux formées qu'avant. … A gauche, les élites traditionnelles avaient voté massivement oui à Maastricht. Elles ont encore voté oui à la Constitution. Elles sont l'un des havres de l'espace social, préservé de la montée des anxiété professsionnelles et scolaires… Face à la perspective du chômage, les emplois intermédiaires du public ont servi de refuge à des générations de diplômés qui aujourd'huui ne supportent pas ce qui s'apparent à un pari pris pro-libéral ou pro-concurrence. Déclassement social et précarité professionnelle sont les maux intimes des classes moyennes.» Dominique Goux (ENS) & Eric Maurin (EHESS)
Vendredi 3 juin : Promotion sociale
Le modèle social français est à bout de souffle. Pour le sociologue François Dubet (Bordeaux-II), «les élites ont un recrutement social de plus en plus fermé et homogène, et les élèves en échec viennent du même environnement social. En fait, on a réussi techniquement la massification et, pendant trente ans, on a réduit les inégalités. Depuis une dizaine d'années, on a atteint un seuil et l'on se retrouve aujourd'hui dans un processus qui cristallise les inégalités.»
La carte de France fait apparaître une corrélation entre le vote en faveur du non et le taux de chômage. Les salariés les plus vulnérables ont voté à près de 70% pour le non : 71% de ceux qui travaillent en intérim, 69% en CDD et 58% en salariés bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée. Pour le sociologue Serge Paugam (Les formes élémentaires de la puvreté, Puf, 2005), l'insécuté sociale a créé des fractures au sein de la société française et des divisions au sein même du salariat : «Ceux qui mettent en avant la notion de sécurité sont les moins qualifiés, ceux qui sont les plus menacés de perdre leur poste.» Autrefois, les salariés les plus défavorisés avaient des «possibilités de compensation, avec une relative sécurité de l'emploi et des possibilités d'augmentation des salaires.» Aujourd'hui, la pression s'accentue, et «l'ambiance se dégrade à cause de l'intensification du travail et d'une plus grande évaluation des compétences.»
Jeudi 2 juin : Les classes moyennes
Il y a treize ans, le référendum sur le traité de Maastricht avait révélé une nette coupure entre les plus diplômés et les plus démunis. Depuis, le niveau socio-éducatif général s'est élevé. Mais les classes moyennes employées dans le secteur public ont rejoint celles du privé dans le rejet du traité. «Entre 1993 et 2004, la proportion d'adultes ayant au moins le baccalauréat a augmenté de plus de 35%, tandis que la part des sans-diplôme a perdu près de 20%. Issues de la dernière grande phase de démocratisation du système éducatif (19851995), les nouvelles générations d'électeurs sont bien mieux formées qu'avant. … A gauche, les élites traditionnelles avaient voté massivement oui à Maastricht. Elles ont encore voté oui à la Constitution. Elles sont l'un des havres de l'espace social, préservé de la montée des anxiété professsionnelles et scolaires… Face à la perspective du chômage, les emplois intermédiaires du public ont servi de refuge à des générations de diplômés qui aujourd'huui ne supportent pas ce qui s'apparent à un pari pris pro-libéral ou pro-concurrence. Déclassement social et précarité professionnelle sont les maux intimes des classes moyennes.» Dominique Goux (ENS) & Eric Maurin (EHESS)
Vendredi 3 juin : Promotion sociale
Le modèle social français est à bout de souffle. Pour le sociologue François Dubet (Bordeaux-II), «les élites ont un recrutement social de plus en plus fermé et homogène, et les élèves en échec viennent du même environnement social. En fait, on a réussi techniquement la massification et, pendant trente ans, on a réduit les inégalités. Depuis une dizaine d'années, on a atteint un seuil et l'on se retrouve aujourd'hui dans un processus qui cristallise les inégalités.»