Le pouvoir inutile : neuf ans ça suffit !
--> La France qui tombe
Un point de vue de Nicolas Baverez, économiste, historien et écrivain dans Le Monde du 25 mars 2004 où l'auteur de La France qui tombe dit tout le mal qu'il pense de la politique menée depuis deux ans, et pose "la question fondamentale" : trois ans de plus à Jacques Chirac, pour quoi faire ?

Extraits.

• Une fois lancés, les peuples désespérés ne s'arrêtent plus. L'ultime avertissement du 21 avril 2002 ayant été totalement ignoré, les Français sont passés aux représailles massives le 21 mars 2004.

• Surtout, les Français ont pris acte de l'incapacité du président de la République à conduire la modernisation du pays et à enrayer la dynamique de la peur et de la haine sociales, exprimant leur révolte contre un quinquennat mort-né qui s'inscrit dans la continuité d'un septennat avorté.

• La politique de la France d'en bas vient en effet d'être condamnée comme la politique qui tire la France vers le bas. Avec un bilan qui se réduit à beaucoup de bruit pour rien, ou pour très peu de chose.

• Au crédit ne figurent que la reprise en main fragile de l'ordre public et une réforme tronquée des retraites qui ne couvre qu'un tiers du besoin de financement à l'horizon de 2020, laisse subsister des inégalités de traitement majeures à l'avantage du secteur public et exclut les régimes spéciaux, qui attribuent 5 % des pensions à 2 % des retraités.

• Des institutions perverties en un despotisme impotent, aussi prompt à servir ses clients qu'à mépriser l'intérêt général, joignant le népotisme à l'arbitraire. Une gesticulation législative subordonnée aux impératifs de communication, mêlant les textes de circonstance - telle la désastreuse loi dite du voile - aux textes d'exception, qui tendent à systématiser - depuis les avocats jusqu'aux travailleurs sociaux en passant par le statut de repenti - le soupçon et la délation au mépris des libertés.

• Un Etat en faillite, dont les finances publiques sont les plus dégradées au sein de l'Europe des Quinze. Un engrenage de guerre civile froide avec la montée des tensions entre les statuts, les corporations, les générations, et plus encore les communautés.

• La France est le pays où le premier ministre se définit comme un fusible et un simple exécutant du président, tandis que le président ne se consacre qu'à sa propre réélection, se spécialisant dans les causes humanitaires pour mieux se dérober devant les choix politiques qu'imposent les intérêts supérieurs de la nation.

• Sous le désaveu du 21 mars 2004, réplique du séisme du 21 avril 2002, pointe donc la question fondamentale que se posent les Français : trois années supplémentaires données à Jacques Chirac, pour quoi faire ?

• A Jacques Chirac, au terme de neuf années d'occupation plus que d'exercice du pouvoir suprême, de donner tort à l'immense majorité de ses concitoyens qui pensent et expriment sans ambiguïté qu'il ne serait pas Jacques Chirac s'il en était capable. Qu'il est une partie majeure du problème français, mais qu'il est étranger à sa solution.

Source : Le Monde du 25 mars 2004
Ecrit par ProfSES, le Jeudi 25 Mars 2004, 09:02 dans la rubrique à suivre.