La face voilée du "Monde"
--> Médiatisation, médiation et méditations
Les auteurs de "La Face cachée du Monde, ainsi que leur éditeur Claude Durand, jugent "insultant" le commentaire que Bernard-Henri Lévy a fait du protocole d'accord avec Le Monde dans Le point de jeudi. Autre commentaire qui ne manquera pas d'attirer l'attention, celui du chroniqueur Daniel Schneidermann dans Libération daté du 11 juin. Daniel Schneidermann officiait en effet au Monde avant d'en être remercié après ses commentaires sur la sortie du livre de Péan et Cohen.

LES PROPOS DE BHL
Extrait du bloc-note de Bernard-Henri Lévy dans Le Point du 10 juin 2004 : "Un éditeur, Fayard, renonçant « à toute nouvelle édition et publication » d'un livre dont il décide, fait unique dans le métier, de briser net la carrière. Des auteurs, Philippe Cohen et Pierre Péan, expliquant qu'ils n'ont pas dit ce qu'ils ont dit, pas écrit ce qu'on croyait qu'ils avaient écrit et que les naïfs qui auraient pris pour argent comptant les « informations » les plus spectaculaires distillées dans « La Face cachée du Monde » en seront pour leurs frais puisqu'ils les retirent maintenant, en bloc et en détail, et « regrettent » - sic - les « blessures » qu'ont « pu causer les passages qui y sont consacrés ». Tel est le résultat de la médiation menée par le premier président de la Cour de cassation entre les protagonistes de ce que l'on a appelé l'« affaire Le Monde ». Tel est l'épilogue d'une affaire qui a défrayé la chronique et qui se dégonfle, d'un seul coup, sur un air de débandade et d'excuses. Cette façon de lancer un brûlot, de souffler sur les braises du scandale, d'attirer le chaland en lui promettant le pire comme marchandise d'appel, puis, les bénéfices de l'opération engrangés, de capituler en rase campagne et de consentir à ce que s'efface le corps même du délit, est à proprement parler ahurissante. Une première, oui, dans l'histoire de l'édition. Une variante jamais vue dans l'histoire du débat d'idées. Je n'aimerais pas être à la place des auteurs le jour où ils tenteront de nous refaire le coup en nous vendant, sur le même ton, leur prochaine « face cachée »."

LE COMMENTAIRE DE SCHNEIDERMANN
Extrait du Rebond de Daniel Schneidermann dans Libération du 11 juin : "C'est Jean-Marie Colombani qui s'interrogeait, quelques jours plus tôt, pour tenter d'expliquer les pertes records du Monde en 2003, dans un supplément spécial consacré aux comptes du groupe. Et ce supplément multipliait les réponses. La faute à l'Internet. La faute aux journaux gratuits. La faute (tiens, on n'y avait pas pensé) aux transports individuels, dont la part a augmenté au détriment des transports en commun. Sans doute, sans doute. Il existe pourtant une autre piste de réflexion. C'est l'impact désastreux du Péan-Cohen, justement, et «la dégradation du contenu du journal».
Quelle vérité des adolescents peuvent-ils attendre d'un journal incapable de la dire sur lui-même ? Ce ne sont pas des adversaires du Monde qui avancent cette piste-là, mais ses propres journalistes, en proportion significative, dans une enquête interne organisée par Ipsos à la demande de la société des rédacteurs (Libération du 5 juin donnait le détail des chiffres). Enquête dont le Monde n'a fait, à ce jour, aucune mention. Faute de place, sans doute."

LE COMMUNIQUÉ DU MONDE
"Saisi des actions en diffamation engagées par "Le Monde", ses dirigeants, la Société des rédacteurs du "Monde", plusieurs journalistes et personnalités contre l'éditeur et les auteurs du livre "La Face cachée du Monde", et d'une action en diffamation engagée par Bernard Deleplace contre "L'Express", qui en avait publié certains extraits, le tribunal de grande instance de Paris a proposé aux parties, qui l'ont acceptée, la nomination de Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, en qualité de médiateur. Dans le cadre de cette médiation, les parties ont convenu, à titre transactionnel, la publication du communiqué suivant, mettant un terme à leur différend."
Extrait du communiqué de la médiation judiciaire publié dans Le Monde du 8 juin : "Partageant la conviction que les procès engagés ne sont pas propices à un débat sur la presse et souhaitant dépasser le litige qui les oppose sur les imputations diffamatoires dénoncées, puis sur les réactions des dirigeants du Monde pendant la période de médiation, qui ont blessé MM.
Péan, Cohen et Durand, les partis conviennent, à titre transactionnel, des concessions réciproques suivantes.
Pierre Péan, Philippe Cohen, Claude Durand, président et directeur général de la librairie Arthème Fayard, et la société Librairie Arthème Fayard renoncent à toute nouvelle édition et publication du livre "La Face cachée du Monde". Les exemplaires composant les stocks existants seront vendus, sans publicité, accompagnés d'un insert reproduisant le texte du présent communiqué.
Pour les extraits publiés par L'Express, la société éditrice reprend, à l'intention de Bernard Deleplace, les déclarations, assurances et restrictions exprimées par l'éditeur et les auteurs du livre. Les extraits du livre ne feront l'objet d'aucune réédition et figureront avec le communiqué dans les archives télématiques de L'Express.
De leur côté, les sociétés Le Monde Partenaires associés, Le Monde SA, Editrice du Monde, la Société des rédacteurs du Monde, Jean-Marie Colombani, Edwy Plenel et Alain Minc, prenant acte des déclarations faites et de l'engagement pris par leurs adversaires, se désistent de leurs actions. Ils ne s'interdisent toutefois pas d'agir en justice à l'encontre de toute publication qui citerait ou reprendrait des passages du livre qu'ils estiment diffamatoires ou injurieux.
L'ensemble des parties signataires se réserve, en outre, la faculté d'agir en justice au cas où l'une d'elles réitérerait les mêmes attaques. Dans un souci d'apaisement, Hervé Gattegno, Jacques Follorou, Ariane Chemin, ainsi que Gabriel Xavier Culioli et Bernard Deleplace, quoique réfutant en totalité les allégations des auteurs, consentent néanmoins à s'associer au présent protocole.
Chacune des parties conserve la charge des frais et dépens des diverses instances engagées.
L'abandon des actions engagées sera annoncé par la publication du présent protocole d'accord, sur lequel les parties s'abstiendront de toute déclaration, de tout commentaire comme de toute polémique au sujet du différend auquel elles entendent mettre fin."
Source : Le Quotidien Permanent du Nouvel Obs [Rappelons aux lecteurs que Le Monde et Le Nouvel Observateur sont actionnaires l'un de l'autre, au niveau de 6% pour Le Monde et de 5,5% pour Le Nouvel Observateur, et que Jean-Marie Colombani est administrateur du Nouvel Observateur. Par ailleurs, Le Nouvel Observateur est actionnaire de Libération à hauteur de 1%] Le Nouvel obs, parce que les textes ne sont plus disponibles dans le Monde que pour les abonnés…, et parce que le Nouvelobs fait bien son travail.
Ecrit par ProfSES, le Samedi 12 Juin 2004, 12:04 dans la rubrique à suivre.