Après les "Mc jobs", la "Wal-Martisation" de l'emploi
--> Chronique de l'économie
Wal-Mart, le distributeur américain devenu, en quelques années, la première entreprise du monde, fait l'objet de deux débats aux Etats-Unis. Le premier porte sur ses responsabilités dans le gonflement du gigantesque déficit commercial du pays. A chercher les produits les moins chers, Wal-Mart est de loin le premier importateur de produits chinois. Le second porte sur l'emploi.
McDonald's symbolisait dans les années 1980 le développement des petits boulots précaires. Wal-Mart représente la pression permanente sur les salaires : ceux, directement, de ses 1,3 million d'employés, mais aussi ceux, indirectement, de ses nombreux fournisseurs. Implacable combattant des syndicats, licencieur en masse, employeur d'immigrés clandestins, destructeur des échelles internes de promotion, champion de la sous-traitance, Wal-Mart applique avec une tenace férocité les préceptes des "coupeurs de coûts".
Avec le recul du temps, le brouillard se lève un peu sur les conséquences sociales du capitalisme financier qui s'impose à la planète, et il est possible de se dégager des idées toutes faites, libérales (tout va bien) ou antilibérales (tout va mal).
Dans un remarquable petit texte - non publié - destiné au club de réflexion A gauche, en Europe, de Dominique Strauss-Kahn, Jean Bensaïd, Daniel Cohen, Eric Maurin et Olivier Mongin en tracent les contours. On retient trois de ces conséquences.
La première concerne "l'individualisation des contraintes". Elle est désormais bien connue : pour les employés comme pour les ouvriers, "le rapport à la clientèle se substitue au rapport au patron".
Deuxième caractéristique : le bas de l'échelle côtoie l'exclusion sociale.
L'intérim, le temps partiel, les CDD sont vivement dénoncés pour fabriquer des "travailleurs pauvres". Le triste sort des "Mc jobs", craint-on, est prémonitoire d'une dégradation générale. En réponse, les gouvernements plaident que c'est le prix à payer pour la diminution du chômage. Mieux vaut McDonald's que l'ANPE !
La mobilité interclasses sociales, du coup, se ralentit. La seule et unique clé de promotion devient, des deux côtés de l'Atlantique, le diplôme. Mais l'éducation coûte, partout, beaucoup. Et le prix des études supérieures renforce considérablement la rigidification des classes sociales. En 1970, aux Etats-Unis, 23 % des enfants du quart inférieur des revenus parvenaient à se hisser dans le quart supérieur. Ce pourcentage est tombé à 10 %. Fils de livreur tu es, livreur tu seras. Voilà pourquoi le vrai grand débat social doit porter sur l'université.
Extraits de l'article d'Éric Le Boucher, Le Monde 7 décembre 2003
McDonald's symbolisait dans les années 1980 le développement des petits boulots précaires. Wal-Mart représente la pression permanente sur les salaires : ceux, directement, de ses 1,3 million d'employés, mais aussi ceux, indirectement, de ses nombreux fournisseurs. Implacable combattant des syndicats, licencieur en masse, employeur d'immigrés clandestins, destructeur des échelles internes de promotion, champion de la sous-traitance, Wal-Mart applique avec une tenace férocité les préceptes des "coupeurs de coûts".
Avec le recul du temps, le brouillard se lève un peu sur les conséquences sociales du capitalisme financier qui s'impose à la planète, et il est possible de se dégager des idées toutes faites, libérales (tout va bien) ou antilibérales (tout va mal).
Dans un remarquable petit texte - non publié - destiné au club de réflexion A gauche, en Europe, de Dominique Strauss-Kahn, Jean Bensaïd, Daniel Cohen, Eric Maurin et Olivier Mongin en tracent les contours. On retient trois de ces conséquences.
La première concerne "l'individualisation des contraintes". Elle est désormais bien connue : pour les employés comme pour les ouvriers, "le rapport à la clientèle se substitue au rapport au patron".
Deuxième caractéristique : le bas de l'échelle côtoie l'exclusion sociale.
L'intérim, le temps partiel, les CDD sont vivement dénoncés pour fabriquer des "travailleurs pauvres". Le triste sort des "Mc jobs", craint-on, est prémonitoire d'une dégradation générale. En réponse, les gouvernements plaident que c'est le prix à payer pour la diminution du chômage. Mieux vaut McDonald's que l'ANPE !
La mobilité interclasses sociales, du coup, se ralentit. La seule et unique clé de promotion devient, des deux côtés de l'Atlantique, le diplôme. Mais l'éducation coûte, partout, beaucoup. Et le prix des études supérieures renforce considérablement la rigidification des classes sociales. En 1970, aux Etats-Unis, 23 % des enfants du quart inférieur des revenus parvenaient à se hisser dans le quart supérieur. Ce pourcentage est tombé à 10 %. Fils de livreur tu es, livreur tu seras. Voilà pourquoi le vrai grand débat social doit porter sur l'université.
Extraits de l'article d'Éric Le Boucher, Le Monde 7 décembre 2003