Synthétisons les synthèses des synthèses !
--> La synthèse est une épreuve
Petit exercice scolaire aussi désopilant que les antiques problèmes de robinets remplissant des baignoires : sachant que le Grand Débat sur l'Avenir de l'Ecole organisé par Luc Ferry (et qui doit se terminer ce 17 janvier) aura vu se tenir 15 000 réunions, que chacune de ces réunions aura donné lieu à un compte rendu de 8 pages (comme il a été officiellement demandé aux rapporteurs), qu'il faut y ajouter la petite quarantaine de milliers de messages envoyés sur Internet, que le tout devrait faire dans les 150 000 pages, comment diable les 54 membres de la commission chargés d'en lire l'intégralité, puis d'en rédiger la synthèse finale en deux mois vont-ils procéder, sachant qu'ils sont légèrement occupés par ailleurs (de Jack Lang à Jean-Marie Cavada...) ? Le Canard enchaîné du 7/01/2004 explicite les limites de cette épreuve.
Il fallait bien un polytechnicien pour venir à bout de ce casse-tête, et c'est Claude Thélot, le président de la commission, qui a trouvé le truc : on va passer tout ça dans l'ordinateur ! Texto : « La commission synthétisera toutes ces synthèses, toutes les contributions spontanées sur le site, tout cela grâce à l'utilisation de logiciels d'analyse et de synthèse textuelle, qui existent depuis une dizaine d'années. »
Magnifique ! Thélot a d'ailleurs demandé aux organisateurs des débats de résumer en trois phrases les priorités pour l'école qui se seront dégagées des discussions. Soit 45 000 phrases que les ordinateurs réduiront en 500 phrases sans en perdre la saveur. Ô magie de l'informatique ! Tirer une seule phrase de 90 phrases, seule une machine peut réussir cet exploit...
Mais en est-on vraiment sûr ? Les spécialistes de ces logiciels interrogés par « Le Canard » émettent de sérieux doutes. Ils notent que ces logiciels (lesquels n'ont pas encore été choisis par le ministère !) sont capables de repérer que le mot « incivilités » apparaît tant de fois, d'extraire des phrases récurrentes, mais en aucun cas de fournir un résumé clefs en main ! « Celui qui prétend que cela peut remplacer la lecture humaine est un charlatan », assure Jacques Jenny, sociologue, spécialiste de la question. « Non seulement ces logiciels sont incapables de faire des synthèses, mais ils n'analysent pas non plus le sens des mots », remarque un spécialiste de psychologie sociale de l'université d'Aix-Marseille.
Ainsi, entre deux phrases telles « La violence est un problème à l'école » ou « La violence n'est pas un problème à l'école », il n'est pas du tout sûr que l'ordinateur fasse la différence. « Il isolera par exemple les termes "problème" et "violence" mais ignorera la négation ou l'affirmation ». Ce qui risque de poser quelques intéressants problèmes !
Et la trentaine de lecteurs de renfort embauchés pour l'occasion par Thélot aura de belles occasions de rigolade. Surtout que Thélot a précisé d'emblée l'importance qui sera accordée à la grande synthèse des synthèses : « Si le débat reflète correctement ce que les Français pensent, le gouvernement en tiendra compte » (« Le Monde » 16/11/03). Et comment savoir que ce débat « reflétera correctement » ce qu'ils pensent ? En s'arrangeant pour que la synthèse reflète exactement ce que le gouvernement veut que les Français pensent, evidemment !
Claude Thélot trouve néanmoins deux raisons de participer au débat dans un point de vue paru dans Le Monde du 8/01/2004
Il fallait bien un polytechnicien pour venir à bout de ce casse-tête, et c'est Claude Thélot, le président de la commission, qui a trouvé le truc : on va passer tout ça dans l'ordinateur ! Texto : « La commission synthétisera toutes ces synthèses, toutes les contributions spontanées sur le site, tout cela grâce à l'utilisation de logiciels d'analyse et de synthèse textuelle, qui existent depuis une dizaine d'années. »
Magnifique ! Thélot a d'ailleurs demandé aux organisateurs des débats de résumer en trois phrases les priorités pour l'école qui se seront dégagées des discussions. Soit 45 000 phrases que les ordinateurs réduiront en 500 phrases sans en perdre la saveur. Ô magie de l'informatique ! Tirer une seule phrase de 90 phrases, seule une machine peut réussir cet exploit...
Mais en est-on vraiment sûr ? Les spécialistes de ces logiciels interrogés par « Le Canard » émettent de sérieux doutes. Ils notent que ces logiciels (lesquels n'ont pas encore été choisis par le ministère !) sont capables de repérer que le mot « incivilités » apparaît tant de fois, d'extraire des phrases récurrentes, mais en aucun cas de fournir un résumé clefs en main ! « Celui qui prétend que cela peut remplacer la lecture humaine est un charlatan », assure Jacques Jenny, sociologue, spécialiste de la question. « Non seulement ces logiciels sont incapables de faire des synthèses, mais ils n'analysent pas non plus le sens des mots », remarque un spécialiste de psychologie sociale de l'université d'Aix-Marseille.
Ainsi, entre deux phrases telles « La violence est un problème à l'école » ou « La violence n'est pas un problème à l'école », il n'est pas du tout sûr que l'ordinateur fasse la différence. « Il isolera par exemple les termes "problème" et "violence" mais ignorera la négation ou l'affirmation ». Ce qui risque de poser quelques intéressants problèmes !
Et la trentaine de lecteurs de renfort embauchés pour l'occasion par Thélot aura de belles occasions de rigolade. Surtout que Thélot a précisé d'emblée l'importance qui sera accordée à la grande synthèse des synthèses : « Si le débat reflète correctement ce que les Français pensent, le gouvernement en tiendra compte » (« Le Monde » 16/11/03). Et comment savoir que ce débat « reflétera correctement » ce qu'ils pensent ? En s'arrangeant pour que la synthèse reflète exactement ce que le gouvernement veut que les Français pensent, evidemment !
Claude Thélot trouve néanmoins deux raisons de participer au débat dans un point de vue paru dans Le Monde du 8/01/2004