Le contrat nouvelle embauche
--> XXI° ou XIX° siècle ?
Une remise en cause de certaines dispositions du code du travail, selon l'avocat Dominique Lyon-Caen, dans un entretien au Monde du 26 juin 2005 :

Que vous inspire le nouveau contrat proposé par le premier ministre ?

C'est une sorte de contrat qui pourrait être rompu pendant deux ans, avec une compensation prévue au niveau du chômage. Mais l'employeur pourrait pendant toute la durée du contrat à l'essai, deux ans, y mettre fin. C'est très dangereux pour le salarié. Le nouveau contrat remet en cause certaines dispositions du code du travail.


Ce contrat serait-il différent du contrat à durée déterminée (CDD) et du contrat à durée indéterminée (CDI) ?

Je ne vois pas très bien comment ce nouveau contrat n'aurait pas une nature de CDD pendant deux ans, puis de CDI après. Même si l'on joue sur les mots, cela ne peut être autre chose qu'un contrat de travail. Et, depuis le XIXe siècle, celui-ci est à durée indéterminée.

L'extension de la période dite d'essai à deux ans ne va-t-elle pas poser problème ?

La période d'essai n'est pas fixée par la loi. Sa durée habituelle, établie par les usages, est de trois mois, renouvelable une fois. La jurisprudence admet que l'employeur peut abuser en y mettant fin, mais c'est alors au salarié d'en faire la preuve. Dans le nouveau contrat, ce sera la même chose, on pourra toujours soutenir que l'employeur use de raisons obscures, injustifiées pour interrompre une période d'essai.

Quelle peut-être la sécurisation d'un tel contrat ?

Sa rupture ne coûtera rien à l'employeur. Ce contrat lui est tellement favorable qu'il n'est soumis quasiment à aucune contrainte et qu'il peut exercer tous les chantages sur le salarié. Actuellement, quand il licencie, l'employeur est tenu de verser des indemnités, d'observer un préavis. Dans le projet de loi, il est fait mention de "régime indemnitaire adapté" . Il faut voir ce que cela signifiera.

Cette proposition vous semble-t-elle de nature à améliorer la situation de l'emploi ?

Cela peut certes faciliter certaines embauches dans les petites entreprises. Mais cela peut aussi amener l'employeur à trouver de moins bons salariés. Ceux qui accepteront la signature de ce contrat ne seront pas nécessairement les meilleurs.

Ce contrat peut-il marginaliser l'existence des autres formes de contrat ?

Il peut porter atteinte au CDD. Quand aux CDI, ils sont déjà tellement marginalisés. Actuellement, les CDD ne peuvent être conclus que dans des cas précis : remplacement de salariés malades, travaux saisonniers... Le nouveau contrat semble lui pouvoir être signé sans clause particulière. Je ne pense pas qu'il puisse s'installer durablement dans sa forme actuelle. Ou lajurisprudence en corrigera les excès, ou la protestation syndicale le fera échouer.


Propos recueillis par Remi Barroux
Ecrit par ProfSES, le Dimanche 26 Juin 2005, 18:56 dans la rubrique à suivre.