Le pouvoir d'achat des salaires stagne depuis 25 ans
--> Une étude du CERC-Association
Le niveau de vie des ménages qui ont leur salaire pour seul revenu s'est effondré depuis 20 ans, affirme l'étude du CERC-Association (Connaissance de l'emploi, des revenus et des coûts), selon lequel la "condition salariale" est aujourd'hui comparable à ce qu'elle était il y a un demi-siècle. "Les récentes revendications salariales ne sont pas le fruit d'une illusion d'optique liée à l'annonce de profits boursiers records". Le salaire net moyen "n'a guère connu de progression" du pouvoir d'achat depuis la fin des années 1970. Au total sur les 25 dernières années, les gains du pouvoir d'achat sont restés minimes, de l'ordre de 0,2 à 0,3% par an, "largement inférieurs à l'évolution du niveau de vie moyen en France".
"Cette quasi-stagnation du pouvoir d'achat du salaire net moyen est d'autant plus remarquable que le niveau moyen de qualification de la main-d'oeuvre salariée n'a cessé d'augmenter tout au long de la
période".
A structure de qualification constante, le salaire net moyen a donc
connu une perte de pouvoir d'achat comprise entre 4 et 8% depuis 1978. Cette détérioration a touché tous les salariés, qu'ils
travaillent dans le secteur privé ou dans la Fonction Publique. Au total, le niveau de vie des ménages n'ayant que leur salaire comme
revenu a "fortement chuté" depuis 1982. Très rapide dans la première moitié des années 1990, elle a marqué une pause à partir de 1997, avant de reprendre en 2002 et 2003. "Aujourd'hui, la place des ménages de salarié ou de chômeur dans l'échelle des niveaux de vie est comparable à celle qui prévalait au milieu des années 1950".
Depuis 25 ans, la progression du niveau de vie des ménages s’est considérablement ralentie. Les salariés ont été les plus touchés par ce mouvement. Le pouvoir d’achat des salaires a stagné depuis la fin des années 1970 et, depuis dix ans, les prestations sociales ne parviennent plus à compenser ce mouvement. Pour la majorité des salariés, qui ne peuvent compter que sur les revenus de leur travail, le niveau de vie relatif a considérablement chuté depuis 20 ans. Aujourd’hui, la condition salariale est comparable à ce qu’elle était il y a un demi-siècle.
Entre 2002 et 2003, le niveau de vie moyen des ménages en France a stagné, marquant un coup d’arrêt à la progression enregistrée au cours des cinq années précédentes. Entre 1997 et 2002, le niveau de vie moyen avait augmenté de près de 12%, soit 2,2% en moyenne annuelle. Sur plus longue période, les évolutions enregistrées entre 1997 et 2002 tranchent nettement avec la tendance observée depuis 1978. Depuis 25 ans, la hausse du niveau de vie des ménages - en termes de revenu par « unité de consommation » - a été, en moyenne, de 1,1% par an, soit trois fois moins qu’entre 1970 et 1978. Cette évolution moyenne du niveau de vie peut évidemment masquer de fortes disparités entre catégories de ménages. Qu’en est-il, de ce point de vue, pour les ménages de salariés ? Les revendications salariales qui se sont exprimées au début de l’année 2005 sont-elles l’expression de demandes conjoncturelles ? Ou traduisent-elles des changements plus profonds ?
Source : Note de CERC-Association, Réseau d'alerte sur les inégalités
L'inflation est faible, mais chacun peut constater que le pouvoir d'achat s'érode. C'est que les prix mondiaux sont en plein chaos, avec des conséquences historiques pour nos pays.
Ce qui se passe aujourd'hui, et depuis plusieurs années déjà, c'est une modification des prix relatifs due à l'arrivée d'une vague de produits industriels venus de pays comme la Chine, dont les coûts sont radicalement plus bas que ceux de l'Occident. L'une des conséquences de ces importations bon marché est de déprimer fortement une partie de l'indice général des prix, celle qui représentait traditionnellement la plus grosse proportion du total. Cette baisse a camouflé un autre phénomène qui s'est produit concomitamment dans l'ensemble des pays occidentaux : l'augmentation de tous les prix et services non soumis à la concurrence asiatique.
La somme algébrique de ces augmentations et de l'effondrement des prix des produits industriels importés fait que l'indice général des prix enregistre une hausse comprise entre 0% et 3% - des taux inexplicablementbas pour la population, qui doit subir à son corps défendant le renchérissement des biens et services protégés de la concurrence étrangère. (…)
Le problème est encore plus grave pour ceux qui produisent des marchandises échangées sur les marchés internationaux. Pour que leur production reste compétitive, leurs salaires devaient déjà rester assez bas. Mais ceux-ci sont devenus des salaires de misère depuis la hausse extravagante du prix des biens et services abrités de la concurrence - qu'ils ne produisent pas, mais qu'il leur faut bien acheter.
C'est cela, une révolution des prix relatifs.
Et il existe d'autres catégories qui souffrent autant que les ouvriers et les salariés de l'industrie en général. Ce sont les travailleurs à revenu fixe du secteur public, auxquels s'ajoutent les retraités, qu'ils viennent du public ou du privé. Dans le monde entier, on le sait, le secteur public est en recul parce que le niveau élevé atteint par les dépenses publiques est de moins en moins bien toléré. Les fonctionnaires, qu'ils soient en activité ou retraités, ne peuvent en aucune façon espérer des augmentations leur permettant de faire face aux hausses sauvages des prix des biens et des services dont nous avons parlé. Comme disent les économistes, ils ne fixent pas leurs prix (c'est à dire celui auquel est payé leur travail). Ils sont donc dans une situation bien plus vulnérable que veux qui ont la possibilité de fixer leurs prix au moins à court terme, ceux-là même dont les hausses de tarifs ont tellement appauvri les ouvriers et les employés du public et du privé.
Dès lors, la question est la suivante : est-ce que l'augmentation des revenus des catégories qui fixent leurs prix suffira à compenser, en termes de demande, la baisse du pouvoir d'achat des catégories qui, elles, n'ont pas cette possibilité (salariés ou retraités) ? Si oui, on sera dans une situation à la russe. Là-bas, la révolution des prix relatifs donne lieu à une redistribution massive des revenus et des richesses qui suffit à assurer la croissance du revenu national à un rythme soutenu, malgré la paupérisation de milliers de personnes. (…)
Une fraction de la population, éventuellement assez importante, jouit d'un niveau de consommation de pays riche : maisons luxueuses, grosses voitures, tourisme grand confort à l'étranger, fréquentation des bons restaurants et accès aux biens produits à des coûts très bas par l'autre partie de la population, la plus nombreuse. (…)
Le sentiment général est toutefois que l'Italie actuelle ne se trouve pas dans une situation de ce type, déplaisant pour beaucoup mais dynamique pour le pays dans son ensemble. Il semble plus réaliste de représenter notre pays dans une spirale de déclin, justement parce que la consommation de ceux qui ont gagné la bataille des prix relatifs ne suffit pas à compenser la baisse de la consommation des vaincus. La demande globale recule donc, en dépit de la flambée des achats de voitures de luxe, du chiffre d'affaires des grands restaurants, des prix de l'immobilier de standing. Et le recul de la demande globale provoque une nouvelle augmentation des prix des biens et services protégés, puisque les coûts fixes doivent être amortis sur des quantités vendues moindres…