32000 enseignants se trouvent "sans classe"
--> Réponse au Monde
Quand j’étais petite, pour me faire comprendre qu’on ne pouvait additionner que des éléments de même nature, on me disait quelque chose comme « on n’additionne pas des carottes avec des navets ». Cette métaphore agricole, ou culinaire, comme on voudra, avait au moins le mérite de concrétiser l’idée que l’on ne peut comparer que ce qui est comparable, comptabiliser que ce qui est du même ordre. Ainsi éduquée, je ne peux que bondir devant une affirmation comme « 32000 enseignants se trouvent sans classe » (Le Monde, 12/03/05).
Tout d’abord parce que ces 32 000 enseignants sont virtuels, car fabriqués
avec des heures non faites devant élèves, par ci, par là. Et qu’il est donc
mensonger de titrer sur ces « 32 000 enseignants », pour concéder dans
l’article que les heures comptabilisées par la Cour des comptes
correspondent, en réalité à « l’équivalent » de 32 000 enseignants.
Ensuite, parce que les heures qui ne sont pas faites devant les élèves
(heures de laboratoire, heures de décharge administrative, pédagogique ou
syndicale, par exemple) font partie du statut des enseignants qui en
bénéficient et correspondent à des tâches pour lesquelles ils sont recrutés.
Nous sommes donc loin de la confection de cocottes en papiers que suggère la
Cour des comptes qui stigmatise « des enseignants non utilisés et payés 1,5
milliards d’euros ».
Si l’on chiffre ainsi les heures non faites devant élèves, on doit alors les
chiffrer toutes et ajouter dans notre balance aux navets et autres carottes
le temps consacré à la cuisine interne de chaque enseignant : préparations
de cours, corrections, concertation, réunions parentales, conseils de
classe, commissions d’appel, etc. Ces heures faisant, bien sûr, partie du
statut des enseignants.
Que des enseignants aient été recrutés en surnombre dans certaines
disciplines est un autre problème, il est incroyable d’en profiter pour
insinuer que les profs sont payés à ne rien faire. Trouver une solution à ce
dysfonctionnement ne peut se faire dans l’amalgame.
A propos des remplacements, vous écrivez d’ailleurs que les titulaires
remplaçants (des enseignants ayant passé le concours de la discipline dans
laquelle ils enseignent) ne peuvent exercer « que » dans leur discipline et
leur zone géographique. Que suggérez-vous ? Qu’un professeur d’espagnol
puisse enseigner les mathématiques ? Ou un professeur d’histoire-géographie
la physique ? Dans ce cas, pourquoi faire appel à des enseignants ? Que l’on
fasse appel à n’importe qui ayant un peu de temps devant soi. On ne s’y
prendrait pas autrement si l’on voulait dire tout le mépris que l’on a pour
ce métier d’enseignant. Quant à la zone de remplacement, qu’on la supprime
également, après avoir supprimé les connaissances spécifiques à la matière
enseignée : il faudra juste penser à financer la caravane dans laquelle
devra se loger l’heureux élu, appelé à travailler un jour à Boulogne sur Mer
et le lendemain à Marseille…
Que la Cour des comptes se rassure, par ailleurs : les enseignants détachés
ou en disponibilité ne sont pas payés par le Ministère de l’Education
Nationale, ce que laisse croire votre article. Ils ne sont pas payés du tout
s’ils sont en disponibilité (et consolez-vous, ils perdent aussi leurs
annuités pour la retraite), bien évidemment, et ils sont payés par
l’organisme qui les emploie lorsqu’ils sont détachés.
Ce « rapport » tombe en fait au moment où les enseignants réclament « plus
de moyens », comme vous le signalez. Vous sous-entendez au passage que les
moyens sont non seulement là, mais qu’ils sont un énorme gaspillage. Ce
rapport, je vous le concède, tombe bien. Il tombe au moment où les
enseignants sont rejoints par les travailleurs du privé, au moment donc où
il devient urgent et opportun pour le gouvernement (dont le Ministre de
l’Education confond TPE et « exposé », ce qui fait pitié) d’allumer des
contre-feux en ressortant le discours sur les fonctionnaires nantis et
fainéants.
C’est triste.
Ecrit par Isabroz, le Dimanche 13 Mars 2005, 20:58 dans la rubrique à suivre.

Commentaires :

Feerange
Feerange
13-03-05 à 22:03

 C'est triste, désolant, et mobilisant, du moins je l'espère!

Il a aussi dit; Fion: "Ne nous inquietez pas, nous laisserons les TPE en seconde" !!

Du coup, moi, élève de 1ère, j'ai apprit il y a deux jours, que je dois rentre mes TPE en sujet de bac, dans seulement deux semaines, hors nous n'avons rien fait, vue que nous savions que ça n'allait pas compter chez nous...