Le cadre s'ennuie dans son entreprise
--> «Un marché injuste»
En attendant une vraie reprise, le cadre s'ennuie dans son entreprise. Il aimerait bouger mais les offres d'emploi se font encore rares. "Les frustrés", dossier Emploi de Libération du 6 septembre 2004.
La figure idéale de l'entreprise est le travailleur mobile. Les Français le sont-ils de plus en plus ? Jean-François Germe : En vingt ans, il n'y a pas eu d'évolution forte des mobilités. Si les actifs ont davantage bougé, c'est essentiellement à cause du chômage. Ils perdent leur emploi, ils sont obligés de changer d'entreprise. Les mobilités directes, d'un emploi à un autre, sont restées, elles, relativement stables. Mais cette mobilité positive fluctue fortement en fonction de la conjoncture. Quand il y a embellie économique, les actifs ont l'opportunité de changer. A l'inverse, dans les périodes de ralentissement comme aujourd'hui, ils bougent moins.

La figure du nomade est donc, en partie, un mythe ?
Ce modèle, un peu imaginaire, correspond en fait à une petite minorité de cadres. Ils possèdent une qualification pointue ou une expérience rare, facilement monnayables auprès des entreprises.

Et les autres salariés, ont-ils le désir de changer ?
De plus en plus d'actifs ont envie de bouger. Le nombre de gens demandeurs d'un autre emploi que celui qu'ils occupent a doublé en vingt ans. Cette aspiration à bouger est plus forte chez les non-qualifiés que chez les cadres. Les motifs sont divers : souhait d'une progression salariale, volonté de changement, mais surtout insatisfaction à l'égard de l'emploi occupé. Les gens cherchent un emploi plus stable, moins stressant, plus intéressant. Mais, le plus souvent, le marché de l'emploi ne leur est pas favorable, à cause du chômage. Ce marché est même injuste car les périodes de croissance y sont rares. Même si les salariés ont envie de bouger, ils restent dans leurs entreprises, éventuellement mécontents, et ne le disent pas. L'entreprise devient une marmite qui bout. Ces dernières années, les 35 heures ont permis d'atténuer ces insatisfactions.

Entretien : Cécile DAUMAS, Libération, lundi 06 septembre 2004




Ecrit par ProfSES, le Lundi 6 Septembre 2004, 17:30 dans la rubrique à suivre.