Le nombre de places dont disposent les femmes pour uriner est généralement près de deux fois inférieur à celui offert aux hommes. Sachant que, mécaniquement, les premières mettent un peu plus de temps à soulager leur vessie, on comprend qu'il y ait toujours la queue devant les toilettes des dames. (…) Elles vivent la situation comme une sorte de fatalité liée à leur genre, alors qu'il suffirait tout bêtement de doubler la surface des toilettes destinées aux femmes pour y mettre un terme. Cette question m'irrite depuis des années.
Si je franchis le pas, c'est qu'il s'agit d'un puissant révélateur de la façon dont est pensée l'égalité dans notre République. Les décideurs de tout poil ­ en l'occurrence les architectes ­ croient qu'il suffit d'offrir à tous ce qui convient le mieux aux dominants pour que l'égalité soit établie. Sans s'interroger sur les situations spécifiques. C'est ainsi qu'on conçoit des toilettes identiques pour hommes et femmes, et qu'au bout du compte les secondes en ont deux fois moins... C'est ainsi que l'école qui convient aux enfants de bourgeois est censée convenir aux enfants issus de milieux moins favorisés, qui ne bénéficient pas des mêmes aides familiales et des mêmes recours. Ou que les autobus demeurent inaccessibles aux handicapés.
C'est Philippe Fremeaux qui adresse ce plaidoyer à Libération du 11/10/2003