JOHN KERRY, hier, n’a jamais été réellement mis en difficulté par Bush, sur un sujet, l’économie, qui, d’emblée, le favorisait. Il a même réussi à placer quelques formules qui font mal, dont on se souvient et qui peuvent faire basculer les indécis. « Recevoir du président, a lancé John Kerry, un cours sur la responsabilité budgétaire, c’est un peu comme si Tony Soprano (héros d’une célèbre série télévisée mettant en scène une famille de mafieux) me parlait de la loi et l’ordre dans ce pays ».
Autre sujet clé, les cadeaux faits aux riches : « je suis fatigué des politiciens qui parlent des valeurs familiales mais n’accordent aucune valeur aux familles », a-t-il dit en s’insurgeant de voir que « 1% des ménages avait reçu 89 milliards de dollars de baisse d’impôts ».
Ciblant son discours sur les classes moyennes, sur le chômage, sur les salaires, il a asséné des chiffres terribles à son auditoire, dont celui-la : « cinq millions d’Américains ont perdu leur couverture sociale » depuis les débuts de la présidence Bush. Alors que Kerry avait largement dominé son adversaire lors du premier débat, apparaissant plus « présidentiel » que le président lui-même, le deuxième avait été jugé plus équilibré. Hier, toutes les estimations donnaient Kerry vainqueur de ce dernier débat, les derniers sondages indiquant que les deux hommes étaient au coude à coude dans la course présidentielle. Mais il faut être prudent avec les sondages, particulièrement s’agissant des présidentielles américaines. C’est que le système électoral de ce pays fait qu’il n’y a pas une élection mais cinquante, autant que d’Etats. Des élections à deux niveaux. On élit d’abord des grands électeurs puis le collège des grands électeurs élit le Président. Mais là où le système se corse, c’est qu’il vous suffit d’obtenir 50,01 % dans un état pour rafler la totalité des délégués de cet état.
C’est pourquoi Bush n’a finalement été élu en 2000 que parce qu’il a remporté in extremis, et dans des conditions douteuses, la Floride. Cette fois, cela risque de se passer à peu près de la même manière. Plus l’élection se rapproche, plus les candidats savent que tout va se jouer dans une poignée d’états, ces « swing states », ces états qui balancent qui, le 2 novembre prochain, feront la majorité et…le président.
Source : Jean-Marcel Bouguereau, Le Quotidien du Nouvel Obs, 15 octobre 2004